Entretien sur les facteurs humains et l’utilisabilité : Partie 2

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La semaine dernière, nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Shannon Hoste, présidente d’Agilis Consulting Group, au sujet de ses compétences en matière de facteurs humains et d’utilisabilité. Shannon a dirigé l’équipe des facteurs humains du CDRH (Center for Devices and Radiological Health) et est également membre de l’AAMI HE - Human Factors Engineering Committee. Voici la deuxième partie de notre entretien avec Shannon. Lire la partie 1 de notre entretien.

Intervieweur : Que faire si une entreprise vous contacte concernant un produit prêt à être commercialisé, mais qu’elle a besoin de données sur les facteurs humains (FH) ?

SH : Tout d’abord, vous devez comprendre la manière dont le produit est utilisé, par qui, où et à quelles fins. Vous établissez l’analyse des risques liés à l’utilisation. Grâce à cette analyse, vous apprendrez quelles sont les étapes susceptibles de générer d’éventuels problèmes ou erreurs d’utilisation et vous identifierez celles qui pourraient entraîner un préjudice ; cela déterminera l’objet de votre étude.

Human Factors 2

Une fois arrivé à la phase de test sommative (ou de validation), il ne s’agit plus que d’un test pratique de votre expérience post-commercialisation. Chaque groupe d’utilisateurs est composé de quinze personnes, qui utilisent le produit comme elles le feraient dans la réalité. Il est donc important de comprendre quels sont vos scénarios d’utilisation type, car vous allez les simuler pour l’étude. Par exemple, dans le cadre d’une étude simulée, à savoir la validation des FH pour l’utilisation à domicile, les participants se verront remettre le produit comme ils le recevraient en tant que patients, par exemple, en l’achetant à la pharmacie. De même, si une formation est régulièrement proposée avec ce produit, vous devrez également reproduire ce procédé (ainsi que la diminution de la formation représentative).

Lorsque vous étudiez vos groupes d’utilisateurs, des caractéristiques telles que l’âge et les données démographiques entrent en jeu. Avec 15 personnes par groupe d’utilisateurs, je peux prendre en compte les utilisateurs du produit tout au long de son cycle de vie sur le marché. Ensuite, parmi ces utilisateurs, il existe des caractéristiques distinctes qui permettent de créer un nouveau groupe d’utilisateurs, notamment : pédiatrique, adolescent, adulte, éducation, formation, capacités physiques, capacités sensorielles, etc. En fonction de l’évolution de l’état de santé, il est possible de distinguer certaines déficiences dans des groupes d’utilisateurs distincts, ce qui peut rendre les tests assez conséquents lorsqu’il s’agit de décomposer en détail ces groupes d’utilisateurs. Il est également important de prendre en compte la diversité dans votre étude.

Intervieweur : Faut-il assister et observer l’utilisation, et si c’est le cas, cela doit-il se faire sur place ou peut-on le faire par vidéo ?

SH : La plupart du temps, ce sera en personne puisque vous essayez de reproduire les conditions de l’environnement. Cela dit, au cours des deux dernières années, les tests à distance ont évidemment été plus nombreux. Les études à distance peuvent être intéressantes pour l’utilisation à domicile, car vous envoyez le produit aux participants et ils l’utilisent dans leur environnement personnel. Lorsque quelqu’un emporte un dispositif chez lui, l’expérience est différente (mais bien réelle).

Dans tous les tests, nous essayons de créer un environnement où les gens se sentent à l’aise, de sorte que lorsqu’ils se retrouvent dans un contexte approprié et commencent à utiliser le produit, vous pouvez voir les éléments qui posent problème et identifier les difficultés. Ces données sont donc objectives et montrent comment ces personnes se sont débrouillées avec le dispositif. Vous pouvez ensuite poser des questions et approfondir le sujet pour déterminer les difficultés qu’elles ont rencontrées et mieux comprendre pourquoi. Ce sont là des données subjectives.

Après avoir effectué ce travail, vous allez examiner chacune des erreurs et difficultés d’utilisation observées ou signalées et voir pourquoi elles se sont produites. Vous pourrez également approfondir les choses : si cela se produisait dans la réalité, quel pourrait être le préjudice qui en résulterait ? Toutefois, compte tenu de la nature des études expérimentales, il se peut que certaines choses se produisent en raison de l’étude elle-même. C’est dans le cadre de cette analyse que la formation et l’expérience en matière de performance humaine, de mémoire, d’apprentissage, de perception, etc. sont utilisées pour identifier les causes profondes et les solutions potentielles.

Intervieweur : Commencez-vous toujours par une supposition ?

SH : À vrai dire, j’essaie de ne pas émettre de suppositions. Les facteurs humains et l’utilisabilité nécessitent une certaine ouverture d’esprit afin de pouvoir observer les modèles qui existent et de ne pas partir avec des idées préconçues. Vous commencez certainement à voir des tendances émerger, ce qui est utile.

Un exemple qui illustre cette tendance est le fait que les gens ne sont généralement pas performants quand on leur demande de faire des mathématiques dans un environnement stressant. Par exemple, il y avait sur le marché un médicament dont la nouvelle version était identique, mais avec une concentration 5 fois supérieure, ce qui nécessitait quelques calculs pour obtenir la bonne posologie. Dans des études précédentes, on a remarqué que pour ce calcul, les infirmières multipliaient par cinq à la place de diviser par cinq ! Cela représente un dosage 25 fois supérieur à la normale. Ces informations ont été extrêmement précieuses à retenir grâce à l’étude de simulation et ont permis de prendre des mesures concrètes.

Intervieweur : Les tests relatifs aux facteurs humains sont-ils nécessaires pour tous les produits pharmaceutiques ?

SH : Cela dépend du risque. Pour les produits combinés (dispositifs avec des médicaments ou des produits biologiques), c’est effectivement assez courant. Dans ce domaine, les risques liés à l’utilisation peuvent conduire à une erreur médicale et ces données deviennent très importantes pour garantir la sécurité des patients.

Intervieweur : Que faut-il savoir de plus sur les facteurs humains et l’utilisabilité, notamment en ce qui concerne le packaging ?

SH : Le packaging est considéré comme faisant partie de l’interface utilisateur, il doit donc être évalué dans le cadre du procédé FH global, pour comprendre et démontrer une utilisation sûre et efficace. De plus, je pense qu’il y a des occasions manquées ; les occasions d’entrer en contact avec l’utilisateur final pendant l’utilisation sont limitées. Ce que je veux dire, c’est que nous voulons fournir des informations ou des indications à l’utilisateur pendant qu’il utilise un produit. Pensez par exemple au retour haptique des téléphones portables. Si l’on applique cela à un dispositif électronique, comment fournir des informations qui soient visibles et perceptibles par l’utilisateur pendant qu’il utilise le produit ? Puisqu’il doit interagir avec le packaging, il est possible de se servir de cette phase de l’interaction avec l’utilisateur pour faciliter son usage. On retrouve des exemples de ce type avec certains emballages médicaux, et j’ai également observé une excellente utilisation du packaging dans les kits de diagnostic pour le prélèvement d’échantillons à domicile. Même dans l’environnement de la salle d’opération, j’ai eu le plaisir de découvrir les cartes HDPE CleanCut d’Oliver. Je pense qu’il y a là beaucoup de potentiel.

La réglementation est également très importante. Il existe un point sur le MDR - Section 11 Annexe qui comprend une clause sur le packaging. Elle stipule qu’ « il convient de s’assurer que l’intégrité du conditionnement est visible pour l’utilisateur ». C’est un aspect qui peut être mieux compris et illustré par vos activités liées aux facteurs humains.

Intervieweur : Avez-vous observé des tendances qui pourraient indiquer quel sera l’avenir des facteurs humains ?

SH : Je pense que les tendances que nous verrons en matière de facteurs humains suivront celles que nous observons dans la technologie. Prenons l’exemple de l’intelligence artificielle. À mesure que l’IA progresse ou que l’on utilise un dispositif qui intègre l’IA, comment établir et comprendre les aspects liés à l’utilisation et à la sécurité qui s’y rapportent ? Comment mon utilisateur peut-il savoir quand il doit se fier à l’IA et quand il ne doit pas le faire ? Nous évaluons comment les humains et les technologies interagissent. Nous devons continuer à étudier et à comprendre les dommages ou les risques potentiels.

Dans l’ensemble, les facteurs humains et l’utilisabilité impliquent à terme de nombreux éléments de réflexion, et c’est un processus en constante évolution.

Intervieweur : Merci beaucoup pour toutes ces informations ! Je trouve ça tellement intéressant de se projeter en avant.

SH : J’en suis ravie. J’aime ce que je fais. Travailler dans ce domaine est gratifiant, car vous avez un réel impact et vous aidez les gens. En travaillant sur un dispositif médical, quel qu’en soit l’aspect, vous apportez une contribution à l’échelle mondiale, ce qui est très gratifiant dans la mesure où vous faites quelque chose qui a du sens. Réfléchir au développement de nouveaux produits, aux facteurs humains et aux risques liés à l’utilisation, c’est comme emboîter les pièces d’un puzzle. Que vous dirigiez un projet ou une équipe de personnes, il est gratifiant de pouvoir prendre du recul et de créer les liens qui contribuent à faire avancer les choses.

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