Marre de l'ancien ? Les changements apportés aux méthodes de stérilisation à l’OE permettent de relever de nouveaux défis.

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La stérilisation à l'oxyde d'éthylène (OE) est restée pratiquement inchangée pendant des années, mais les innovations récentes ont bouleversé le secteur. Les préoccupations concernant la nature cancérigène de l'OE et les niveaux présumés d'émissions des établissements de stérilisation ont entraîné la fermeture de certains établissements contractuels de stérilisation. L'OE est un stérilisant très efficace disposant de nombreux avantages, mais il est également toxique et classé par l'Agence américaine de protection de l'environnement (Environmental Protection Agency) comme substance cancérigène connue.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Tout a commencé en février 2019, lorsque l'EPA de l'Illinois a effectué une commande de cachetages auprès de l’usine Sterigenics de Willowbrook, dans l'Illinois. Il s’en est suivi la fermeture temporaire de quatre établissements d'OE en Géorgie, en raison des préoccupations des communautés alentours concernant d'éventuelles émissions plus élevées dans la région. De nombreux acteurs du secteur ont contesté les conclusions selon lesquelles les établissements de stérilisation étaient les seuls responsables, car les relevés d’OE étaient élevés dans des zones situées à plusieurs kilomètres d'un site de stérilisation. Il est important de noter que l'OE dans l'air peut provenir de diverses sources, notamment des gaz d'échappement des voitures, de la fumée de cigarette, de la production de produits ménagers courants, de la décomposition des plantes, etc. D’ailleurs, le corps humain produit de faibles niveaux d'oxyde d'éthylène au cours de processus métaboliques tout à fait normaux1.

L'OE est utilisé pour stériliser environ la moitié de tous les dispositifs médicaux, dont 20 milliards aux États-Unis chaque année. La fermeture de ces établissements de stérilisation a fait naître des craintes généralisées de pénurie de fournitures et de dispositifs médicaux cruciaux. De telles pénuries seraient catastrophiques pour le secteur, mais la pandémie mondiale actuelle exacerbe considérablement ces inquiétudes. Heureusement, tous les établissements en Géorgie ont rouvert, mais Sterigenics a décidé de fermer définitivement l'établissement de Willowbrook, invoquant un « cadre législatif et réglementaire instable ». Ces changements ont limité la capacité d'autres établissements de stérilisation, les clients étant contraints de déménager.

Blog de Dan Floyd sur la stérilisation à l’oxyde d’éthylène

La Food and Drug Association (FDA) des États-Unis, préoccupée par ces pénuries potentielles, a lancé un défi en deux parties au secteur des dispositifs médicaux et de la stérilisation : 1. Identifier de nouvelles méthodes et technologies de stérilisation, 2. Réduire les émissions d'oxyde d'éthylène.

Défis liés aux alternatives à l’OE

Bien que le passage à une méthode alternative puisse sembler simple, il est important de comprendre pourquoi l'OE est si largement utilisé. L'efficacité de chaque processus de stérilisation et la compatibilité des matériaux des dispositifs médicaux avec ces autres modalités de stérilisation déterminent souvent pourquoi un processus est choisi plutôt qu’un autre. L'OE est considéré comme un procédé à basse température (< 55 °C) et est utilisé pour stériliser de nombreux dispositifs et composants en plastique thermolabile à usage unique. Ces produits ne peuvent pas résister aux températures élevées de la stérilisation à la chaleur humide (généralement 121 °C ou 132 °C).

De nombreux plastiques ne sont pas compatibles avec les modalités de stérilisation alternatives telles que les procédés d’irradiation gamma, par faisceau d’électrons et aux rayons X, car une réticulation et une scission de chaîne peuvent se produire dans les polymères. Ces réactions entraînent des changements indésirables pouvant entraîner la fissuration, le craquèlement ou la décoloration des matériaux. En outre, bon nombre des modalités de stérilisation alternatives telles que le dioxyde d'azote, le peroxyde d'hydrogène vaporisé, l'acide peracétique vaporisé et le dioxyde de carbone super sensible ne pénètrent pas aussi facilement que l'OE dans les endroits les plus difficiles à stériliser. Dans certains cas, le stérilisant peut ne jamais atteindre les recoins les plus difficiles à stériliser ! Ceci est particulièrement vrai pour les fermetures, les surfaces assemblées et certains longs lumens étroits. De plus, quasiment aucune de ces méthodes alternatives ne permet de traiter l'énorme volume de produits stérilisés à l'OE. Comme mentionné précédemment, l'OE est utilisé pour stériliser 20 milliards de dispositifs uniquement aux États-Unis. Tandis que de nombreux stérilisateurs à l'OE permettent de stériliser des chargements complets de 24 palettes ou plus à la fois, le rendement des méthodes alternatives devenant un facteur limitant.

Modifications des procédés de stérilisation à l’OE

Il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui, il n'existe pas d'alternative viable pour remplacer la capacité de l'OE à stériliser cet immense éventail de produits. L’EO est unique dans sa capacité à pénétrer dans les endroits difficiles à stériliser sur un dispositif, et à le faire à grande échelle. Il existe des produits de niche adaptés aux alternatives, mais l'option la plus viable reste de modifier les procédés de stérilisation OE existants et de réduire la quantité d'OE utilisée, ce qui entraînera en retour une réduction des émissions. De nombreuses entreprises adoptent cette approche au moment où nous parlons.

Par exemple, certaines entreprises mettent en place une modification de procédé de stérilisation à l’OE liée aux processus de validation traditionnels appliquant une méthode de surdestruction. Dans les versions antérieures de la norme ISO 11135, l'emplacement le plus difficile à stériliser sur les produits était identifié par un spécialiste de la stérilisation et chaque emplacement était inoculé avec un minimum de 1,0 x 106 UFC de spores de Bacillus atrophaeus. Cet organisme est universellement reconnu comme étant l’organisme le plus résistant (MRO) pour la stérilisation à l'OE. Bien que ces procédés soient très conservateurs et qu'il existe une grande marge de sécurité, cette pratique de validation a conduit à des cycles très longs utilisant des concentrations élevées (> 600 mg/L) d'OE pour surmonter cette épreuve biologique bien plus exigeante que la biocharge naturelle. Ce défi biologique était généralement placé soit dans les emplacements les plus inaccessibles du dispositif, ou bien dans un dispositif factice de test appelé « dispositif d'épreuve de procédé (DEP) ». Un DEP est souvent utilisé au cours du processus de validation. Un DEP est un dispositif dans lequel on place l'indicateur biologique qui simule la résistance du produit réel et est utilisé de sorte que l'appareil réel n'ait pas à être utilisé. Le DEP approprié doit être déterminé par des tests de résistance comparatifs pour s'assurer qu'il dispose d’une résistance équivalente ou légèrement supérieure à celle du produit réel. Un DEP est souvent utilisé lorsqu’un produit est trop onéreux, ou si l'emplacement le plus difficile à stériliser est difficile à inoculer.

Alors que beaucoup dans le secteur utilisent encore cette approche, la révision de la norme ISO 11135:2014 stipule que « le DEP doit constituer une épreuve pour le processus de stérilisation qui est équivalente ou supérieure à l’épreuve présentée par la charge biologique naturelle à l’emplacement le plus difficile à stériliser dans le produit ». L'indicateur biologique n’a pas besoin d’être placé à l'endroit le plus inaccessible du produit. Il doit démontrer qu'aucune biocharge naturelle à ces endroits n'est plus résistante que celui-ci. Cette approche se traduit non seulement par des cycles potentiellement plus courts, mais elle permet également de réduire les concentrations de gaz de moitié. Les entreprises ont réussi à atteindre le niveau de létalité nécessaire avec des concentrations de gaz de 300 mg/L, voire même inférieures dans certains cas.

L'avenir de l'OE

L'avantage de réduire l'utilisation de l'OE en abaissant les concentrations et en réduisant les émissions est de rendre cette méthode durable, afin que le secteur puisse ainsi continuer à utiliser cette technologie indispensable. En outre, les niveaux résiduels sur le produit seraient réduits, ce qui permet de se prémunir contre les futurs changements potentiels de la norme ISO 10993-7, même si les limites actuelles décrites dans l'ISO 10993-7 sont déjà respectées. Comme pour tous changements, un examen approfondi et une évaluation des risques doivent être effectués, et cela peut nécessiter une mise à jour des dépôts réglementaires et des organismes notifiés.

Étant donné que ces nouveaux cycles optimisés peuvent être plus courts et nécessiter une concentration de gaz beaucoup plus faible, tout ce qui peut affecter la capacité du stérilisant à pénétrer à travers l'emballage et dans le produit doit être évalué. L'utilisation d'un matériau plus respirant, comme le DuPont™ Tyvek®, peut faciliter la pénétration du stérilisant et assurer un dégazage potentiellement plus efficace. La conception du produit devra peut-être alors prendre en compte les trajectoires du gaz. En adoptant une approche holistique du conditionnement, du produit et du processus, cette « ancienne » méthode de stérilisation peut revenir au goût du jour.

Source :
1 https://www.epa.gov/hazardous-air-pollutants-ethylene-oxide/frequent-questions-health-information-about-ethylene-oxide#body

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