Mon fils, mon héros : la vie d’un enfant né avec une fente labiale et palatine
Il y a quatorze ans, ma vie a basculé d’une manière que je n’aurais jamais pu imaginer. Enceinte de mon troisième garçon, j’étais ravie à l’idée d’accueillir un nouveau bébé dans ce monde et j’imaginais déjà les infinies possibilités qui s’offraient à lui pour son avenir. Après une grossesse difficile, Lucas a décidé de venir au monde un peu plus tôt que prévu, mais tout laissait penser qu’il serait un bébé en parfaite santé. Normalement, après la naissance, le personnel pose le bébé directement sur la maman, mais Lucas a été immédiatement emmené pour des examens complémentaires. Je ne comprenais pas ce qui se passait et j’étais terrifiée à l’idée que quelque chose de grave puisse arriver à mon bébé.
Enfin, après ce qui m’a semblé être une éternité, ils m’ont apporté mon petit garçon. J’ai fait abstraction de tout ce qui m’entourait et me suis concentrée sur chaque centimètre de son petit corps : son sourire parfait, ses magnifiques yeux bleus, son tout petit corps d’à peine 2,7 kg. Pour moi, il était absolument parfait. Mais même s’il était parfait à mes yeux, j’ai su, dès que je l’ai regardé, qu’un chemin difficile nous attendait.
Lucas est né avec une fente labiale et palatine unilatérale. Bien que j’aie passé de nombreuses échographies tout au long de ma grossesse, aucune d’entre elles n’avait révélé que mon enfant présenterait une anomalie craniofaciale. L’hôpital où j’ai accouché n’était pas équipé pour accueillir un bébé avec ces besoins particuliers. Il ne pouvait pas manger, il n’avait pas de réflexe de succion et ne pouvait donc pas boire au biberon ni être allaité. L’hôpital m’a donné tout ce qu’il avait, mais Lucas ne voulait rien prendre.

Lorsque nous avons quitté l’hôpital, il avait perdu du poids. Cependant, il y avait de l’espoir, car je repartais avec un rendez-vous déjà prévu pour le lendemain avec l’équipe spécialisée dans les fentes labio-palatines à l’Hôpital pour enfants de Philadelphie (CHOP). Nous avons passé toute la journée suivante avec leur infirmière spécialisée à chercher le système d’alimentation le plus adapté pour Lucas. Il y a quatorze ans, il n’existait que trois options de biberons spéciaux pour les bébés atteints de fente, et elles étaient loin d’être bon marché. Un seul de ces biberons spéciaux pouvait coûter environ 20 $ à l’époque. Avec un nouveau-né utilisant six à huit biberons par jour, et la nécessité d’en remplacer certains de temps en temps, cela représentait une dépense supplémentaire de près de 200 $ plusieurs fois par an. C’était une dépense imprévue à laquelle je n’étais pas préparée, mais j’étais prête à faire tout ce qu’il fallait. Le CHOP a aidé autant qu’il le pouvait, mais les ressources étaient – et sont toujours – limitées.
Nous nous rendions au CHOP chaque semaine pendant les trois premiers mois de sa vie. Principalement pour suivre de près son alimentation et sa prise de poids, mais aussi pour préparer sa première opération. Pour cela, ils ont équipé Lucas d’un NAM (moulage nasoalvéolaire), un dispositif médical utilisé pour tenter de remodeler les gencives, la lèvre supérieure et les narines. Lucas portait le NAM toute la journée, tous les jours, maintenu en place par du ruban médical fixé sur ses joues. Le dispositif NAM aidait également lors des repas, en fournissant un palais qu’il n’avait pas naturellement.



Dispositif NAM ; Lucas à 1 mois portant le NAM ; schéma montrant comment le NAM était porté.
À l’âge de trois mois, Lucas a subi sa première opération pour réparer sa lèvre. Subir une opération est toujours angoissant, peu importe l’âge, mais devoir voir son nourrisson traverser tout cela a suscité en moi un véritable tourbillon d’émotions. À l’âge de 10 mois, son palais avait été réparé, juste à temps pour commencer à essayer des aliments solides et mous. Chez la plupart des patients atteints de fente, d’autres problèmes ORL surviennent généralement, surtout à mesure qu’ils grandissent. Lucas a eu des problèmes d’audition au début de sa vie, ce qui a nécessité des interventions chirurgicales pour lui poser des drains dans les oreilles. Il a également rencontré quelques difficultés d’élocution, ce qui a nécessité des suivis réguliers avec son orthophoniste.
Lorsque Lucas a eu sept ans, nous étions déjà dans les étapes de préparation pour une autre opération : une greffe osseuse. Pendant toute l’année précédant l’opération, il a eu de nombreux rendez-vous avec des spécialistes en orthodontie pour élargir sa mâchoire et poser des écarteurs afin de maintenir la forme de sa bouche. Puis, à l’âge de huit ans, il a subi ce qui allait être la première de deux greffes osseuses distinctes. Lors de cette intervention, les chirurgiens ont prélevé une partie de son os de la hanche et l’ont placée dans la partie supérieure gauche de sa gencive pour combler l’espace vide, en la fusionnant avec l’os déjà présent. Sa première greffe osseuse a été un succès, mais à mesure qu’il grandissait et que sa bouche commençait à évoluer, l’équipe du CHOP a constaté qu’il n’y avait pas assez d’os pour combler l’espace dans ses gencives. L’intervention a donc dû être répétée deux ans plus tard, lorsque Lucas avait dix ans. Depuis sa dernière greffe osseuse, Lucas continue de suivre des traitements orthodontiques toutes les six semaines.

Lucas a aujourd’hui 14 ans et, dans sa courte vie, il a déjà traversé plus d’épreuves qu’un adulte moyen. Il a déjà subi au moins 12 interventions chirurgicales majeures dans sa vie, et ce n’est pas fini : la prochaine opération, visant à corriger son nez et son septum, est déjà programmée pour plus tard cette année. Et une autre chirurgie de la mâchoire est prévue une fois la croissance de son visage terminée.
Aujourd’hui, après avoir travaillé dans le domaine de l’emballage médical depuis cinq ans, j’ai pris conscience de la complexité de ces interventions. Au-delà des médecins extraordinaires qui ont pris soin de Lucas et réalisé ses nombreuses interventions – comme pour tant d’autres enfants – il y a tout un monde qui se cache derrière chaque procédure qu’il a dû subir. Chaque jour, des personnes œuvrent dans l’ombre pour protéger la santé de Lucas, d’une manière que je n’aurais jamais pu imaginer. Chaque conditionnement stérile ouvert en salle d’opération est une pièce du puzzle qui permet à mon fils d’avoir une vie meilleure, jour après jour. Chaque conditionnement n’est pas simplement un objet que l’on jette ; ce sachet ou ce blister contenant un dispositif ou un équipement stérile contribue, en fin de compte, à sauver une vie. Et il a sauvé la vie de mon fils encore et encore.
